Cabinet Legrand
15, rue de la Demi-Lune
86000 Poitiers
Tél. 05 49 60 20 60
Fax : 05 49 60 34 01
legrand@wanadoo.fr







    ARCHIVES >  FISCAL > FISCALITÉ DES RÉSULTATS

 
Provisions non-déductibles et correction symétrique des bilans
Le Conseil d’État a jugé que l’inscription non justifiée d’une provision pendant plusieurs exercices successifs constitue la répétition d’une même erreur, qui ne peut pas échapper à la règle de l’intangibilité du bilan.
Correction symétriques des bilans

L’administration qui rectifie une erreur à l’origine d’une sous-estimation de l’actif net au bilan de clôture d’un exercice doit, en principe, corriger symétriquement le bilan d’ouverture s’il contient la même erreur.

Le bénéfice imposable d’une entreprise se détermine par la différence entre les actifs nets de clôture et d’ouverture de l’exercice. Lorsque l’administration fiscale rectifie une erreur à l’origine d’une sous-estimation de l’actif net de clôture d’un exercice, la jurisprudence lui impose, afin de ne pas créer un bénéfice artificiel, de corriger symétriquement le bilan d’ouverture s’il contient la même erreur. Aucune variation de l’actif net n’est ainsi constatée.

Précision : la correction symétrique des bilans s’applique, en principe, aux entreprises relevant de l’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) ou des bénéfices agricoles (BA) selon un régime réel et à celles soumises à l’impôt sur les sociétés. Dans tous les cas, seules sont concernées les entreprises tenues d’établir un bilan.

Intangibilité du bilan

L’obligation de correction symétrique se heurte à une importante limite puisqu’elle ne s’étend pas au bilan d’ouverture du premier exercice non prescrit. En conséquence, ce bilan, considéré comme définitif, ne peut être corrigé des erreurs affectant son actif net. L’administration est alors en droit de rehausser les insuffisances d’actif net du bilan de clôture de l’exercice.

À savoir : le premier exercice non prescrit se détermine en fonction du délai de reprise de l’administration, lequel est normalement de 3 ans.

Exception

Fort heureusement, la règle de l’intangibilité du bilan peut être écartée. Ce « droit à l’oubli » s’exerce notamment lorsque l’entreprise apporte la preuve que les erreurs à l’origine de l’insuffisance d’actif net ont été commises plus de 7 ans avant l’ouverture du premier exercice non prescrit.

Sont donc visées les erreurs intervenues au cours d’un exercice ouvert plus de 10 ans avant la notification de la proposition de rectification, en raison du délai de reprise de l’administration, en principe de 3 ans.

La correction symétrique s’effectue alors de bilan en bilan, y compris dans le bilan d’ouverture du premier exercice non prescrit, jusqu’à rattacher l’erreur à son exercice d’origine. L’exercice étant prescrit, la rectification de l’erreur est sans incidence sur le résultat imposable de l’entreprise, qui est à l’abri de tout redressement.

À noter : la correction symétrique et l’intangibilité du bilan sont réservées aux écritures qui se retrouvent de façon récurrente dans chaque bilan (dettes, créances, provisions…) et non aux écritures fongibles (charges, recettes…).

Cas des provisions injustifiées

Le Conseil d’État a jugé que l’intangibilité du bilan s’applique en cas d’inscription non justifiée d’une provision pendant plusieurs exercices successifs, même si cette erreur a été commise il y a plus de 7 ans.

Le Conseil d’État a précisé la portée du droit à l’oubli dans le cas de provisions injustifiées.

Rappel : une provision peut être inscrite et déduite du bénéfice imposable d’une entreprise si elle fait face à une perte ou une charge elle-même déductible et que cette perte ou cette charge sont nettement précisées (nature et montant) et rendues probables par des événements en cours. À défaut, la provision est injustifiée.

Les juges ont estimé que l’inscription non justifiée d’une provision pendant plusieurs exercices successifs, même si les montants sont identiques, constitue la répétition d’une même erreur. Et ce, quand bien même cette erreur a été commise pour la première fois au cours d’un exercice clos plus de 7 ans avant l’ouverture du premier exercice non prescrit.

En effet, en application des règles comptables, les entreprises sont tenues de réexaminer chaque année l’opportunité de maintenir inchangée une provision au bilan, de l’augmenter d’une dotation supplémentaire ou de la diminuer par une reprise partielle.

L’erreur n’a donc pas été commise une seule fois à l’inscription initiale de la provision mais s’est reproduite à chaque nouveau bilan dans lequel la provision a été maintenue.

En conséquence, les provisions injustifiées maintenues au bilan d’exercices successifs, quelle que soit leur date de première inscription, sont exclues du droit à l’oubli et ne peuvent bénéficier de la correction symétrique dans le bilan d’ouverture du premier exercice non prescrit.

Le Conseil d’État applique donc la règle de l’intangibilité du bilan, permettant de réintégrer la provision dans le résultat imposable du premier exercice non prescrit.

À savoir : l’entreprise peut se prévaloir d’une position administrative plus souple qui admet la correction symétrique des provisions non déductibles comptabilisées depuis plus de 7 ans.

Illustration

Une entreprise a inscrit en 2004 une provision de 2 000 €, maintenue au bilan des exercices suivants jusqu’en 2014.

En 2015, l’entreprise fait l’objet d’une vérification de comptabilité sur les exercices 2012, 2013 et 2014, à l’issue de laquelle l’administration fiscale considère la provision comme injustifiée.

Avant la vérification, l’actif net du bilan de clôture 2012 (premier exercice non prescrit) était de 2 000 € et celui du bilan d’ouverture de 1 000 €. Le bénéfice imposable de l’exercice 2012 était donc de 1 000 € (2 000 - 1 000).

Après la vérification, la provision est réintégrée à l’actif net du bilan de clôture 2012, qui s’élève donc à 4 000 € (2 000 + 2 000), mais pas à celui du bilan d’ouverture, en application de l’intangibilité du bilan d’ouverture du premier exercice non prescrit, qui demeure ainsi à 1 000 €. En conséquence, le bénéfice imposable de l’exercice 2012 s’établit à 3 000 € (4 000 - 1 000).

L’administration rehausse le résultat imposable de l’entreprise de 2 000 € (3 000 - 1 000). En application de la solution du Conseil d’État, il importe peu que cette provision ait été comptabilisée en 2004, soit plus de 7 ans avant l’ouverture des exercices non prescrits 2012, 2013 et 2014.

À noter : l’actif net des exercices 2013 et 2014 n’est pas modifié puisque la correction de la provision est effectuée symétriquement dans leurs bilans de clôture et d’ouverture.

Article du 09/10/2015 - © Copyright Les Echos Publishing - 2015

haut de page




Archives...
 FISCAL > FISCALITÉ DES RÉSULTATS

L’amortissement des véhicules d’entreprise
20/10/2023
La déduction fiscale des impayés
17/02/2023
Les atouts du mécénat pour votre entreprise
16/09/2022
Réévaluation libre des actifs
10/09/2021
Les réclamations fiscales
13/11/2020
La gestion fiscale des déficits (entreprises à l’impôt sur les sociétés)
02/10/2020
Covid-19 : les aides aux entreprises encore mobilisables
25/09/2020
Démarches fiscales de fin d’année
15/11/2019
Véhicule professionnel : les règles du jeu fiscales
13/09/2019
Le suramortissement industriel en faveur des PME
19/07/2019
La commission départementale des impôts
15/06/2018
Le crédit d’impôt apprentissage
29/09/2017
Gestion des véhicules de l’entreprise
26/05/2017
La provision pour dépréciation des immobilisations
09/12/2016
Provisions pour créances douteuses
26/08/2016
Déduction exceptionnelle en faveur de l’investissement
24/06/2016
Provisions non-déductibles et correction symétrique des bilans
09/10/2015
Déduction fiscale des investissements industriels
17/07/2015
La gestion juridique et fiscale de l’immobilier de l’entreprise
13/03/2015
CICE : les dernières précisions
05/12/2014
La cession isolée d’un bien immobilier de l’entreprise
19/09/2014
Le traitement fiscal de la provision pour licenciement
20/06/2014
La fiscalité de la provision pour litige
07/05/2014




© 2009-2024 - Les Echos Publishing - mentions légales et RGPD